Baile Funk

A Rio de Janeiro chaque week-end, les baile funk ou bal funk détrônent la samba dans le cœur de la jeunesse carioca. Des banlieues tranquilles aux sommets des favelas, c’est plus de deux cents bals funk qui sont organisés dans la ville dans la même journée. Proche du gangsta rap américain dans sa forme avec DJ et rappeurs, le baile funk s’inspire du quotidien des favelas minées par la misère et le trafic de drogue, parcourus par les gamins des gangs surarmés dès leur plus jeune âge.

Mister Catra est la grande star du Baile Funk. Venu de la favela de Tujica au Nord de Rio, ce MC est aussi bien l’idole des prostituées que des clubbers des beaux quartiers. Sa spécialité : les putarias, avec leurs textes cochons, ou les proibidaos, littéralement les « Interdits » avec leurs explicit lyrics à la gloire des gangs et des trafiquants. Sexe et violence : c’est le cocktail du funk carioca.

Les obsessions du Baile Funk lui ont valu plusieurs vagues d’interdictions, en 96 et 2005. Les autorités effrayées de voir les ados des beaux quartiers fricoter avec les gamins des gangs, ont tenté sans succès d’enrayer la vague du funk carioca. Avec 60 fois plus de morts violentes qu’en France ou en Allemagne, Rio bat des records. La police brésilienne voit dans ces rassemblements nocturnes qui réunissent 2000 jeunes en moyenne le nid de tous les trafics. En 2005, face à une énième série d'interdictions, Mr Catra et les acteurs historiques de cette musique comme DJ Malboro, ont organisé une réunion avec la police pour trouver un compromis.

Lors du dernier festival du film de Rio, "Tropa de Elite", Troupe d’Elite a fait l’effet d’une bombe. Cette fiction raconte en détail la corruption policière, les pots-de-vin, la torture et les armes vendues par les policiers aux membres des gangs. Tout est dit dans cette scène d’introduction: un bal funk dans une favela en 1997, et ces policiers qui rackettent les trafiquants. S’ils paient, le bal continue, sinon ils tirent dans le tas. Mister Catra garde un souvenir très précis de cette époque.

Mr Catra : "Un jour, on nous considérait comme des artistes et le lendemain, on nous traitait comme des marginaux. Les flics débarquaient en tirant dans la foule, sur les organisateurs, ils jetaient tout le monde en prison, et surtout les DJs. A partir de ce moment-là, le funk est retourné dans les favelas, parce que les gangs nous protégeaient. Rio vivait une vraie passion pour cette musique. Du coup, le funk s’est développé dans ces communautés, là où il n’y avait plus de présence de l’Etat."

Avec l’importation du Booty Bass de Miami, les Baile Funk brésiliens se régénèrent au début des années 90. Le dirty rap de 2 Live Crew remplace le funk de James Brown qui avait donné son nom au mouvement dans les seventies. Les DJs adaptent bientôt des paroles en portugais sur ces boucles électroniques. Populaire et sans complexe, le Baile Funk choque les bien-pensants.
DJ Sandrinho a grandi à Borel, l’une des 700 favelas de Rio de Janeiro. Vedette du baile funk, il a monté son studio dans une pièce de la maison maternelle. C’est là qu’il a enregistré l’un des tubes qui lui a ouvert une carrière internationale, à base de coassements de grenouilles.

A la base du Baile funk électronique : la MPC, une station de production midi, un instrument inventé au Japon en 88, qui permet de lancer les samples d’une simple pression du doigt. Sandrinho y introduit les instruments traditionnels du Brésil comme le berimbau de la capeoira. Avec cette arme fatale, lancé dans son marathon nocturne avec son ami Mister Catra, il peut jouer jusqu’à cinq fois par soir dans des lieux différents.

Source : Arte.tv

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